Décès d’Isabella Palumbo Fossati Casa

Pour celles et ceux qui l’ont connue, Isabella Palumbo Fossati était intimement associée à Venise. Bénéficiant de sa généreuse hospitalité, certains collègues ont eu la chance d’être accueillis ou hébergés dans le palais familial, entre le théâtre de La Fenice et l’église Santa Maria del Giglio. Isabella était cependant née à Trieste, en août 1951, et la mémoire familiale maternelle la liait douloureusement à l’Istrie et à la Dalmatie.

Comme son nom l’indique bien, ses origines se situaient loin de Venise. Palumbo est le nom de son grand-père paternel, Vincenzo, descendant d’une noble famille sicilienne, né à Augusta.

Elle avait commencé ses études supérieures à Venise, en lettres, mais les avaient poursuivies à Paris, à l’EHESS. C’est là qu’elle s’était inscrite en thèse de 3e cycle sous la direction d’Alberto Tenenti. En parallèle, recrutée par Marius Pantaloni, elle était devenue en 1978 lectrice d’italien à l’UPJV, université où elle fera l’intégralité de sa carrière universitaire ; elle donnait aussi des cours d’italien dans des établissements supérieurs comme par exemple les Mines de Paris.

Tenenti était un historien de l’école des Annales, proche de Braudel. Le projet de la thèse consistait à explorer les inventaires de succession rédigés par les notaires vénitiens (et déposés à l’Archivio di Stato, à côté de la basilique des Frari), ceci dans le but de mieux cerner ce que contenaient effectivement les maisons des Vénitiens du XVIe siècle. La thèse sera soutenue le 8 janvier 1983. Des articles seront tirés directement ou indirectement de ce travail ; une quarantaine d’autres suivront, sur d’autres sujets d’histoire ou d’histoire de l’art, et en particulier sur les relations entre Venise et la Méditerranée orientale.

En mars 1987, Isabella est recrutée en qualité de MCF stagiaire au sein de la faculté des langues d’Amiens ; elle sera titularisée en octobre 1989. Elle enseignera essentiellement la civilisation et la traduction à des étudiants spécialistes d’anglais-italien.

Elle a rejoint l’équipe d’accueil 4284 TRAME au moment de sa création, en 2007 et y est restée jusqu’à son départ à la retraite en 2014. Ce sera l’occasion, trente ans après la soutenance de sa thèse, de publier un livre (dédié à son mari et à ses filles Mathilde et Sophie) qui en reprend la matière, d’abord en français : Intérieurs vénitiens de la Renaissance : maison, société et culture, Paris : Michel de Maule, 2012, puis en italien : Dentro le case : abitare a Venezia nel Cinquecento. Uno studio sugli interni domestici dagli inventari dei notai veneziani del secolo XVI, Venise : Gambier & Keller, 2013. L’une des premières illustrations du livre, malicieusement intitulée « Portail gothique d’une maison à Santa Maria del Giglio » représente l’entrée de la casa aperta comme la nobildonna Isabella aimait à définir sa maison vénitienne.

Depuis plusieurs années, notre collègue menait un combat courageux et discret contre une maladie qui a fini par l’emporter, dimanche 20 août 2023, à 72 ans. Elle était une personnalité comme on en rencontre peu dans une vie, à tous points de vue élégante, attachante, fidèle en amitié, cosmopolite, généreuse, douée d’un grand sens de l’humour parfois teinté d’un mauvais esprit très spirituel (et d’une capacité d’autodérision au moins aussi importante), curieuse, aux horizons très vastes, qui ne s’est fait que des amis et des admirateurs partout où elle est passée, en Italie et en France, bien sûr, mais également au Proche-Orient, en Argentine et dans la péninsule Ibérique.

Michel Paoli, ancien directeur de l’EA TRAME et directeur du Département d’études italiennes de l’Université de Picardie-Jules Verne